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Dialogue de Kampala : fin de la récréation

Publié le par doyenmaliro

Pour Kinshasa, les pourparlers de Kampala se conjuguent déjà au passé. Dans la capitale congolaise, on considère que ses délégués ont joué la partition jusqu’au bout. Ce qui n’est pas de l’avis du M23 qui entend encore poursuivre le dialogue pour vider, selon lui, toutes les questions qui fâchent. Les deux mois de négociations directes entre le gouvernement et le M23 n’auront finalement accouché que d’une souris. C’est la fin d’une récréation qui portait dès le départ les germes de son échec.

 

Les drapeaux sont tombés sur les pourparlers amorcés à Kampala entre le gouvernement de la RDC et le mouvement du M23 (M23). Les deux mois de dialogue n’ont pas cependant permis aux deux parties de vider toutes les questions.

A ce jour, seul un accord, dit partiel, a été adopté en rapport avec le premier point de l’ordre du jour du dialogue, portant essentiellement sur l’évaluation de l’accord de paix du 23 mars 2009, signé à Goma.

Dans le fond, chacun a presque campé sur sa position. Mais à Kinshasa, on considère que tous les points inscrits à l’ordre du jour ont été vidés. Point de vue que ne partagent pas les délégués du M23 qui militent toujours en faveur de la poursuite du dialogue en vue d’aboutir, croient-ils, à la signature d’un accord de paix.

UN GOUT D’INACHEVE

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les pourparlers de Kampala n’ont pas été en mesure de déjouer tous les pronostics qui prédisaient dès le début un probable échec de ce dialogue.

A défaut d’un atterrissage en catastrophe, le dialogue de Kampala se clôture avec un goût d’inachevé. Ce qui ne va pas dans le sens d’un retour rapide de la paix dans la partie Est de la RDC. Il faut déjà craindre le pire, notamment la reprise des hostilités sur le terrain.

Pendant ce temps à Kinshasa, on parle de la fin d’une « mission accomplie ». Ce que redoute cependant le M23. Pour Bertrand Bisimwa, son porte-parole, les négociations avec le gouvernement doivent continuer et aboutir à la signature d’un accord de paix.

Interviewé par radio Okapi, François Muamba, l’un des experts du gouvernement délégués à Kampala, pense que le gouvernement a clairement joué sa partition. C’est au M23, estime-t-il, de jouer la sienne.

« Nous avons non seulement réagi [aux revendications du M23] mais nous sommes restés conformes à ce que le peuple congolais attendait de nous. Personne ne touchera à la Constitution de la République démocratique du Congo. Nous attendons une seule chose aujourd’hui du M23 : la cessation des activités militaires. Ça suffit comme ça. Nos populations ont suffisamment souffert », a-t-il déclaré.

Et de poursuivre : « Nous avons à présent terminé l’examen de ces trois points, celui de l’évaluation qui a même fait l’objet d’une conclusion définitive. Sur les trente-cinq points considérés, il n’y a finalement que quelques points, une douzaine, qui nécessitent encore d’être mis en œuvre ».

UNE FIN TRAGIQUE

« S’agissant des points n°2 et n°3, nous avons là aussi remis à la médiation nos conclusions après avoir reçu de la même médiation deux documents portant l’un sur les questions sécuritaires et l’autre sur les questions politiques élaborés par le M23. En ce qui concerne la délégation de la République démocratique du Congo, la mission est accomplie », s’est réjoui François Muamba.

L’optimisme de Kinshasa ne résout pas tous les problèmes. Bien au contraire, il pourrait en créer d’autres, avec risque d’envenimer la situation sur le front militaire. Car si Kinshasa considère que les pourparlers de Kampala sont terminés, les rebelles, de leur côté, ont une lecture tout à fait différente.

Le M23 estime que le dialogue de Kampala n’est pas arrivé à apporter une solution globale à ses nombreuses revendications. Ce que minimise Kinshasa qui pense avoir fait des concessions nécessaires en faveur d’un retour rapide de la paix dans l’Est du pays. Entre les deux parties, c’est presqu’un langage des sourds qui est en voie de s’établir. A-t-on dès lors évité l’impasse ? Ce n’est pas évident.

Pour autant que le mardi 12 février 2013, la délégation de Kinshasa a transmis à la facilitation ougandaise un document de 14 pages qui pourraient bien encore pousser le M23 à durcir le ton, et peut-être, à réclamer un engagement ferme du gouvernement dans la recherche de la paix dans l’Est de la RDC.

En effet, dans ce document, Kinshasa a remis en cause le fondement même des pourparlers de Kampala tel que formulé dans l’accord endossé par les chefs d’Etat de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Contre toute attente, la délégation de Kinshasa a rejeté une bonne partie de revendications exprimées par le M23 sur les plans sécuritaire, politique, social et économique, n’hésitant pas à les qualifier « d’illégitimes ».

Or, l’accord conclu à la CIRGL – du reste endossé par la RDC – reconnaissait clairement la légitimité des revendications du mouvement rebelle. Que Kinshasa revienne aujourd’hui sur sa signature, il y a de bonnes raisons de prédire un avenir mouvementé sur le front de l’Est du territoire national.

Dès cet instant, il faut reconnaître que tous les scénarii sont possibles. Le pire des cas est que le M23, à défaut d’un accord de paix dûment contresigné par Kinshasa à Kampala, pourrait bien être tenté de reprendre le chemin de la guerre. Dans tous les cas, c’est l’hypothèse la plus probable devant l’impasse qui se dresse petit à petit sur le schéma du dialogue de Kampala.

ACTIVER LA FORCE SPECIALE  D’INTERVENTION

Depuis l’adoption du principe de négociations au sein de la CIRGL, Kinshasa n’a jamais cru en cette initiative. C’est à contrecœur qu’il a adhéré au principe de la CIRGL.

Pressé de toutes parts, Kinshasa s’est retrouvé dans l’obligation d’admettre les négociations avec le M23. Le dialogue de Kampala n’aura été qu’une farce de mauvais goût ou une distraction qui ne pouvait durer éternellement.  

Soit Kinshasa a été pris dans un piège, tendu par les balkanisateurs et leurs sous-traitants, de manière à permettre au M23 de consolider davantage ses positions dans les territoires déjà sous son contrôle. Soit Kinshasa a été pris à son propre piège, en croyant faire fléchir le M23. Dès lors, le risque d’une reprise imminente des hostilités est à craindre.

Du coup, il devient urgent de lever tous les malentendus et autres équivoques qui pourraient bloquer la mise en œuvre rapide de la Brigade spéciale d’intervention dont les éléments- quatre mille- seront fournis par les pays de la SADC. La responsabilité des Nations unies, de l’Union africaine et de la SDC est mise à rude épreuve. Ces trois organisations sont appelées à montrer qu’elles sont réellement disposées à aider la RDC et, par ricochet, toute la région des Grands Lacs à retrouver la paix.

Par ailleurs, Kinshasa devrait comprendre que le moment est arrivé d’activer tous les mécanismes devant conduire à la formation d’une Armée réellement républicaine, professionnelle et dissuasive ; une Armée capable de défendre l’intégrité territoriale.

le Pot.

 

Doyen MALIRO

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