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Kinshasa doit jouer franc jeu

Publié le par doyenmaliro

Guerre dans l’Est du pays

Ne pas s’en tenir aux prescrits d’un accord, c’est faire preuve de maladresse, renseigne une sagesse propre aux diplomates. En adhérant au schéma de Kampala, Kinshasa a accepté

délibérément de céder une partie de son autorité da

ns la gestion de la guerre qui endeuille l’Est du territoire national. Ses faits et gestes doivent inévitablement être calqués sur cet accord. Ce qui n’est pas le cas à Goma où ont commencé à se redéployer lundi des troupes des Forces armées de la RDC, suivi de l’installation des autorités gouvernementales. L’accord de Kampala serait court-circuité à tout point de vue. Il faut craindre que le M23 ne s’en serve pour tenter un come-back dans la ville de Goma.


joseph_kabila_fardc_congo_army_goma.jpgDans l’esprit du dernier accord de Kampala, un contingent mixte FARDC-M23-Monusco devait être positionné à l’aéroport de Goma, dans la perspective du déploiement dans la ville de la Force internationale neutre telle que prévue dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  

A en croire l’AFP, les autorités administratives, qui avaient aussi fui à l'avancée des rebelles, ont regagné leurs postes à Goma. Il s’agit, notamment, du maire de Goma et du gouverneur du Nord-Kivu. En milieu de journée, le même lundi, un bataillon de FARDC est également entré dans la ville, a constaté une journaliste de l'AFP. Il s'est immédiatement dirigé vers le camp militaire de Katindo, un quartier de la ville.

Les choses sont parties tellement vite que l’on ne sait plus à quel niveau d’exécution se trouve l’accord conclu à Kampala. Les négociations entre le M23 et les autorités de Kinshasa, qui devaient normalement suivre le retrait des troupes du M23, n’ont pas encore commencé. Aucune date non plus n’a été avancée. Pourtant, le M23 en avait fait l’un de ses préalables avant tout retrait de Goma. Mais, ne pouvant plus supporter la pression internationale exercée sur lui, le M23 a fini par céder, se retirant sans broncher de la ville de Goma.

Apparemment, les choses tirent en longueur et il faut craindre que l’accord de Kampala connaisse son premier couac. Le M23 pourrait se servir de cette circonstance pour prétendre retourner à Goma. Ce qui équivaudrait à la résurgence de la guerre, après la trêve.

Sur son site, 20minutes.fr rapporte que depuis dimanche, le M23 a menacé de s'emparer à nouveau de Goma si le gouvernement congolais n'ouvrait pas de négociations le lendemain au plus tard, soit 14 heures (heure de Goma). Un ultimatum qui n’a pas été du goût de Kinshasa. 

A l'expiration de l'heure limite, indique la même source, des combattants du M23 se seraient déplacés vers des positions élevées dominant la ville. Quelques-uns montaient une tente sur une colline, d'autres, par groupes de trois, s'installaient à l'ombre des arbres le long de la route qui part de Goma vers le Nord, précise-t-elle.

Se réservant de commenter la réaction du M23 à l’expiration de son ultimatum, son porte-parole, le colonel Vianney Kazarama, a dit juste attendre « maintenant qu'il (Ndrl : le délai de 48 heures accordées au gouvernement pour entamer les négociations) expire ».
C’est dire que le flou règne encore sur ces négociations voulues de dernière chance pour ouvrir la voie à une sortie de crise apaisée dans la guerre dans l’Est de la RDC. Pourtant, l’option de retrait du M23 de la ville de Goma a été levée au sein de la CIRGL en échange des négociations imminentes entre Kinshasa et le M23. Jusque-là, aucune date pour le lancement de ces négociations n’a été avancée, particulièrement à Kinshasa qui en détient la clé.

Présent lundi à Goma, le ministre de l'Intérieur, Richard Muyej Mangez, a indiqué à l'AFP que les discussions pourraient commencer, a priori dans la capitale ougandaise Kampala, « dans les prochains jours ». « L'équipe de dialogue est déjà constituée », a-t-il assuré, sans en donner la composition.

Muyej Mangez a cependant souligné qu'il fallait que le M23 respecte lui-même pleinement son engagement de se retirer à au moins 20 km de Goma. « Ce qui n'est pas encore le cas », a-t-il rappelé. En effet, selon 20minutes.fr, les hommes du M23 seraient cantonnés à 3 km seulement de la ville de Goma. Ce qui rajoute au climat de tensions qui va crescendo dans le chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Des ingrédients se mettent de plus en plus en place pour l’éventualité d’une reprise d’affrontements armés entre les protagonistes. A moins d’un sursaut rapide d’orgueil de part et d’autre pour éviter ce retour à la case départ.

Selon l’AFP, hier lundi, des combattants rebelles patrouillaient sur la route au Nord de Goma, et d'autres gardaient des positions sur une colline stratégique surplombant une base militaire de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), à trois kilomètres de l'aéroport de la ville. Il faut craindre le pire.

Eviter la précipitation

Une fois de plus, le dernier accord de Kampala risque de connaître une impasse si les parties concernées, particulièrement le M23 et Kinshasa, ne se décident  de jouer franc jeu. En se positionnant dans la ville, les troupes des FARDC s’acquittent de leur mission. Que dire, alors, de ce « gentleman agreement » dont certains pans échappent encore au public ? Non seulement Kinshasa doit être vigilant, mais encore, il doit se préparer en conséquence pour contrer et, pourquoi pas, faire échec à une nouvelle attaque des ennemis de la République.

La lucidité veut que l’on ouvre plus une brèche au M23 et lui permettre de légitimer, une énième fois, son aventure guerrière qui a désormais comme site avancé la ville de Goma. Dans une interview à RFI, son président, Jean-Marie Runiga, avait prévenu, rappelant que ses troupes se tiendront prêtes à reprendre leur position dans la ville de Goma au premier déploiement des FARDC dans la ville, chef-lieu. 

Kinshasa doit prendre ses responsabilités en mains et s’assumer. Bien plus, il doit jouer franc jeu en évitant de se lancer dans une précipitation qui risquerait de tout faire voler en éclats. Le commandant de la force de la Monusco, le général Babacar Gaye, a avisé dimanche en arrivant à Goma. Le M23 guette le moindre faux pas. C’est aussi l’attitude des pays de la CIRGL qui le soutiennent, à savoir le Rwanda et l’Ouganda. Tout a été chronométré pour pousser Kinshasa à commettre l’erreur fatale afin de donner au M23 une belle raison de revenir à Goma.

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